Mercredi 26 mai à 18h, nous participions à un VisioTalk inspirant organisé par Juliette Roubaud et Maurane Violet de Génération Zébrée  (service dédié à l’orientation scolaire et professionnelle des 15-24 ans) sur les métiers du futur au regard des enjeux écologiques.

Comme l’introduit Juliette, ce cycle de Talks un peu particulier a pour objectif de prendre de la hauteur sur le sujet de l’orientation dans une vision plus long terme. À quoi ressemblera le monde de demain ? Dans 10 ans ? 20 ans ? Quels métiers seront pertinents dans ce monde ? Chaque Talk proposera des éléments de réponses selon l’angle de vue choisi.

Pour ce Talk, Grégory Derville, enseignant – chercheur à l’université de Lille en science et écologie politique, nous a tout d’abord dressé un rapide état des lieux sans détour pour proposer une vision des métiers nécessaires dans les prochaines décennies dans le cadre de la transition écologique. Le replay est disponible sur Youtube.

Le constat écologique

La réalité physique et écologique nous impose de changer radicalement de modèle.

Nous devons faire face à une série de défis gigantesques pour préserver l’habitabilité de notre planète et les entreprises vont être très impactées par ces changements.

Aujourd’hui l’essentiel du PIB est réalisé par des entreprises dont l’activité est incompatible avec le maintien d’un système Terre habitable (climat, épuisement des ressources, biodiversité…) sur le long terme.

Explorons rapidement les raisons qui nécessitent que nous changions radicalement.

Le climat et l’empreinte carbone

Un Français émet en moyenne 11 tonnes de CO2/ an. Pour ne pas dépasser un réchauffement planétaire de +2°C par rapport à l’époque préindustrielle comme défini dans les accords de Paris, nous devrions passer à seulement 2 tonnes de CO2/ an 2050.

Changement massif en très peu de temps. L’ensemble de notre mode de vie sera impacté (transport, alimentation, logement…).

La consommation énergétique

Notre consommation d’énergie est en hausse continuelle pour alimenter toutes les machines qui travaillent pour nous. Ces machines travaillent en quelque sorte à notre place et pour fonctionner elles ont besoin d’énergies fossiles comme le pétrole ou le charbon.

Notre confort de vie repose ainsi sur tout un tas de machines qui fonctionnent grâce aux énergies fossiles (soit par combustion directe soit par transformation en électricité) qui émettent du CO2.

Si nous remplacions par des humains toutes les machines présentes en France qui travaillent pour nous, chaque français disposerait de 400 esclaves !

Nous sommes donc complètement dépendant de ces énergies fossiles. Même si nous avons en France le nucléaire, le transport et l’agriculture par exemple fonctionnent essentiellement au pétrole.

Le pic pétrolier

Le pic pétrolier est le moment où l’on arrive au maximum de ce que l’on peut extraire en une année compte tenu des gisements taris et de l’absence de découverte de nouveaux gisements.

Ce pic est en train d’être passé pour tous les types de pétroles (conventionnel, offshores…). L’aire du pétrole abondant et bon marché est ainsi en train de s’éteindre.

Pic pétrolier

Les énergies vertes

Le discours dominant est que des scientifiques et ingénieurs vont mettre au point des technologies permettant de décarboner l’économie (moteur électrique, éoliennes, hydrogène, batteries plus performantes…). C’est ce qu’on appelle aussi la « Green Tech », ou plus largement la « croissance verte ». Cela consiste en des évolutions techniques qui nous permettraient de concilier nos modes de vies actuels et l’habitabilité de la planète (préservation des écosystèmes, stabilité du climat…).

C’est une illusion :

  • Les sources d’énergies dites vertes sont beaucoup moins performantes et beaucoup moins faciles à stocker que le pétrole.
  • Il faut beaucoup plus de matières premières pour construire les infrastructures qui vont capter et distribuer ces énergies vertes (on résonne en quantité de matières premières par kilowattheure produit). Or, ces matières premières ne sont pas inépuisables et certaines d’entre elles sont par ailleurs très utilisées dans le secteur informatique (terminaux, infrastructures…).

À long terme, la croissance verte ne peut donc pas fonctionner.

L’avenir devrait donc s’orienter vers plus de sobriété et de low tech, c’est-à-dire des technologies qui consomment peu d’énergie, peu de matières premières, faciles à démonter et à réparer.

6ème extinction de masse

Le taux d’extinction des espèces est 50 à 100 fois plus rapide que dans les 50 derniers millions d’années et il s’accélère. On assiste à un lent effondrement des populations d’animaux en termes de nombre d’individus. Certains biologistes parlent d’un anéantissement biologique ou de défaunation.

Dette écologique

Des humains, plutôt des occidentaux et riches occidentaux, vivent au-dessus de leur moyen. Par exemple, si chaque Terrien vivait comme un Français, il faudrait environ 2.5 planètes.

Dette écologique

De la crise aux effondrements

Il est difficile d’imaginer que l’on va prolonger les courbes exponentielles à l’œuvre depuis 200 ans.  Si on pense l’avenir à 15-20 ans, il est plus probable d’imaginer un long déclin progressif avec des effondrements plus ou moins brutaux (biodiversité, sanitaire, financier, social, économique…). Il ne s’agit pas d’UN effondrement mais de la conjonction progressive de ces dynamiques d’effondrements dans nos sociétés à haut niveau de complexité.

Nous ne parlons pas de crise, nous parlons bien d’un processus définitif : on ne peut pas revenir à l’état antérieur.

Les conséquences sur le marché de l’emploi

Un effondrement de la société de services

Le graphique ci-après montre l’évolution des secteurs de l’agriculture, du secteur de l’industrie et du secteur tertiaire en France en pourcentage total des emplois. On peut y voir les effets de la révolution industrielle.

Effondrement de la société de services

Le début de l’industrialisation avec l’exploitation du charbon a provoqué un exode rural. Petit à petit la part des travailleurs de l’agriculture baisse et celle de l’industrie augmente avec notamment   les industries de l’acier et du textile.

Après la seconde guerre mondiale, l’exploitation du pétrole débouche sur un effondrement de la population de travailleurs agricoles (utilisation des machines comme les tracteurs et moissonneuses batteuses), un agrandissement massif des villes, l’allongement des distances domicile-travail, la mondialisation, la délocalisation d’usines…

Avec la fin de l’énergie peu chère, nous allons avoir besoin à un moment de « démécaniser » nos sociétés.

Les métiers de demain tels qu'on nous les vend

Les métiers de demain tels qu'on nous les vend

Les enseignants, les dirigeants politiques, les économistes libéraux, les managers, les dirigeants d’entreprise, les médias, les conseillers d’orientation, établissement d’enseignement supérieurs, les parents croient dans ce futur technologique tel qu’on peut le voir sur cette image.

Les caractéristiques de ces métiers sont les suivantes :

  • Ils consistent à imaginer, à faire fonctionner et assurer la maintenance de produits/ services high tech (avions, satellites, serveurs, téléphones…).
  • Ce sont des métiers dans lesquels on ne manipule rien de tangible : facilitateurs, ingénieurs, formateurs, communicants, webmaster… Et ils sont facilement délocalisables
  • Ils ne sont pas « essentiels » dans le sens où ils ne satisfont pas des besoins absolument vitaux.

Les métiers fortement pénalisés à l’avenir seront les métiers dépendant des ressources naturelles non renouvelables (pêche, transport par exemple…), et les secteurs les plus responsables de la situation car la pression sociale et politique finira par les sanctionner (aviation, automobile, transport, logistique, tourismes, luxe, high tech à termes…).

Les "vrais" métiers de demain

Les vrais métiers de demain
Si on se projette dans un futur où l’énergie et les matières premières ne sont plus abondantes et peu chères, on parierait plutôt que les métiers d’avenir auront les caractéristiques suivantes :

  • Ce sont des métiers essentiels dans le sens où l’on en aura toujours besoin pour faire vivre les populations : se nourrir, distribuer les marchandises, se soigner, avoir un toit, avoir de l’eau courante, fabrication et réparation d’objet…
  • Ces métiers ne nécessitent pas de grandes quantités d’énergie et de matières premières : installateur de toilettes sèche par exemple.
  • Ce sont des emplois non délocalisables : quand vous êtes couvreur, kiné, agriculteur vous distribuez en circuit court.

Conclusion

Pour envisager son futur dans ces conditions, il est important de souligner les atouts de la jeune génération !

  • Ils ont une importante force de travail
  • Les jeunes sont aussi moins dépendants d’une vie qu’ils ont déjà construite, de souvenirs ou d’attaches. Ils sont moins entravés, très mobiles, avec une forte capacité à bouger.
  • Les jeunes ont une très bonne plasticité cérébrale! Ils apprennent très vite, ils ont la capacité de réagir et de réapprendre rapidement s’ils se rendent compte qu’ils n’ont pas emprunté la bonne voie.

Découvrez les questions et les échanges suite à cette présentation.

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Crédit photo : Austin Ban on Unsplash

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