Article écrit en partenariat avec Tristan Bitsch de Noetic Bees

2020 a été une année inédite dans l’histoire qui a eu de nombreux impacts sur les salariés. De nouveaux questionnements et des envies de changement ont émergé. Dans le même temps, nous pouvons être tentés de nous replier sur nous-même à cause du contexte et il peut être difficile de mettre en mouvement nos envies. Et si en 2021, on donnait plus de sens à notre travail ?

Nous avons interrogé Tristan Bitsch sur la question du sens au travail. Tristan est philosophe consultant et formateur chez Noetic Bees, et fondateur de la Maison de la philosophie pratique à Lyon. Noetic Bees accompagne les entreprises dans leurs enjeux de changements grâce à la philosophie pratique, qui transforme des concepts ou des théories philosophiques en outils concrètement opérants.

 

De quoi on parle quand on parle de « sens au travail » ?

Le terme sens est en soi riche de plusieurs significations :

 

1 – L’ouverture au monde

Dans son sens premier, le sens désigne l’ouverture des 5 sens : l’ouïe, l’odorat, la vue, le toucher et le goût. Nos 5 sens font appel à notre curiosité et nous permettent de nous ouvrir à ce qu’il y a autour de nous en intelligence émotionnelle.

2 – La signification

Le sens désigne également la signification. Un travail a du sens lorsqu’il signifie quelque chose de profond pour moi. On peut rapporter à l’intelligence rationnelle cette dimension du sens qui se fait signe à comprendre et à interpréter.

3 – La direction

Le sens désigne enfin la direction, le fait d’aller concrètement vers quelque chose. On relie cette dimension à une forme d’intelligence pratique, qui permet une mise en mouvement et une expérimentation éclairée.

 

(Re)donnez du sens à votre travail !
(Re)donnez du sens à votre travail en 2021 ! – Photo by Tim van der Kuip on Unsplash

On réduit habituellement le sens du travail à l’emploi, autrement dit à l’activité économico-sociale. Le terme travail désigne étymologiquement un instrument de torture -le tripallium- qui a donné au travail un sens de souffrance absurde. Mais si l’on considère le sens premier du travail, celui de l’accouchement en obstétrique : il y a souffrance certes, mais c’est une souffrance qui a du sens en ce qu’il amène la vie.

Pour considérer le travail comme un épanouissement, il est donc important de lui donner du sens.

3 résolutions pour donner un sens à son travail en 2021

À partir de là, nous proposons trois pistes d’actions philosophiques permettant de (re)donner du sens à son travail.

1 – Se désautomatiser

Si on se rapporte au sens premier du sens, il est important de s’ouvrir à ce qui nous entoure et de lever la tête du guidon.

On parle d’avoir la tête dans le guidon lorsqu’on optimise les moyens sans forcément regarder l’horizon vers lequel on se dirige. On regarde en effet comment on pédale pour optimiser sa manière de pédaler et aller toujours plus vite. Cependant, on ne fait pas forcément attention à là où on se dirige.

La philosophie pratique nous invite aussi à prêter attention à ce qui se passe autour de soi pour s’en étonner et se réinterroger. C’est ce qu’on appelle la désautomatisation. A travers elle, on crée une rupture avec notre manière habituelle — automatique — d’agir. Sa traduction technique est l’épochè, technique permet ainsi de mettre entre parenthèses nos automatismes de jugements — ce qu’on appelle « pré-jugés » — afin de créer de nouveaux chemins de réflexion et d’action.

Voici donc un geste inaugural pour retrouver du sens au travail : s’autoriser à créer de l’épochè, autrement dit une nouvelle époque qui permet de faire le fameux pas de côté pour observer pleinement, avec tous nos sens — intuition comprise — ce qui se passe en nous et autour de nous dans notre travail. Est-ce de l’enthousiasme, de la volonté, de la frustration, de la peur, de la lassitude, de l’épuisement… ?

Et c’est en se désautomatisant dans nos manières de penser, qu’on va pouvoir ensuite se désautomatiser dans nos manières d’agir.

Du point de vue de la philosophie pratique, il est donc fondamental de rester étonné-e et curieux-se dans son environnement de travail — comme dans sa vie en général — pour garantir le sens de nos actions.

2 – S’outiller

Pour mieux s’orienter dans notre pensée et notre pratique professionnelle, la philosophie pratique dispose d’outils qui permettent, à partir de la désautomatisation, de reconfigurer et d’optimiser notre logiciel cognitif.

Poser les bonnes questions

Pour bien comprendre ce qu’un-e collègue nous dit et éviter toute interprétation et surcharge psychologique, l’ingénierie philosophique permet de transformer l’énoncé d’un interlocuteur en questions à forte valeur ajoutée. Ainsi, on peut mieux comprendre les implications logiques — et non psychologiques — de ce qu’on me dit. C’est ce qu’on appelle le questionnement par l’inférence logique. Cette technique permet de donner une place entière au jugement et à la parole de l’autre. Et ainsi, de se mettre plus facilement en synergie sur la direction qu’on souhaite prendre ensemble dans et nos actions.

Dans cette optique, Noetic Bees a créé une formation à « L’art de poser les bonnes questions », qui a pour but de gagner en signification relationnelle et rationnelle dans les échanges.

Veiller à la qualité des échanges

On a tendance à toujours se parler de la même façon, à travers des conventions sociales, culturelles et organisationnelles. Pour sortir de ses automatismes de langage, clarifier les intentions, se dire l’essentiel de manière juste — à la fois en justice et en justesse —, une méthode existe qui a pour but de s’interroger sur la qualité de la manière dont on se parle : la méta-communication.

La méta-communication philosophique permet d’impulser plus de sens-direction lors de moments d’échanges importants — stratégiques, opérationnels, décisionnels ou encore exploratoires —.

Metagora est la première application de méta-communication philosophique permettant de travailler sur l’intelligence relationnelle et rationnelle des équipes, en optimisant les temps de réunions qui rythment le quotidien professionnel.

Chaque interlocuteur est invité à se positionner sur curseurs de différentes tables de dialogue afin d’évaluer le niveau de chaque élément du dialogue. Ces tables sont inspirées par l’Histoire de la philosophie. Par exemple : la franchise, l’argumentation, l’écoute ou le questionnement.

La méta-communication permet ainsi d’impulser plus de sens lors de moments d’échanges importants — stratégiques, opérationnels, décisionnels ou encore exploratoires —.

Oser faire le point sur son cap et son itinéraire professionnel

Couplée à la vertu de parrhêsia (franc-parler, juste-parler) chère au philosophe, l’épochè permet également d’ouvrir les perspectives sur son sens de vie professionnelle : est-ce que ma place actuelle est la bonne pour moi (au double sens d’occuper un emploi et d’habiter un espace) ? Me nourrit-elle tant humainement que socialement et financièrement ? Fait-elle signification et direction pour moi, à la hauteur de mon désir d’ouverture sur le monde ?

Conscientes de ces nouveaux enjeux de sens au travail, de plus en plus d’organisations mettent au cœur de leur développement social les enjeux de Qualité de Vie — et de Sens — au Travail ; d’autres ouvrent un potentiel d’innovation disruptive au sein de leur mode de fonctionnement, en invitant leurs collaborateur-es à intraprendre, c’est-à-dire à entreprendre à l’intérieur même de l’organisation dans laquelle ils ou elles travaillent.

D’autres collaborateur-es encore, choisissent de quitter leur poste pour entreprendre ou trouver un emploi plus en accord avec leurs valeurs. Dans ce cadre par exemple, l’Institut Transitions à Lyon est une école de formation continue qui a pour vocation d’aider les personnes qui souhaitent se mettre en transition de vie professionnelle sur des métiers axés autour de l’écologique et du solidaire. Cette initiative permet de se désautomatiser professionnellement pour explorer de nouvelles voies pendant un an. En se posant les bonnes questions sur sa vie professionnelle tout en offrant d’élargir son réseau.

3 – Relier pourquoi et comment

Pour s’autoriser à réinterroger le sens de son travail, un geste nécessaire et pourtant encore peu pratiqué aujourd’hui : relier la question chère à nos quotidiens — le comment — à la question chère au sens — le pourquoi. S’alternant l’une l’autre, ces deux questions permettent de faire résonner direction (comment) et signification réelle (pour-quoi) de vie professionnelle.

Pour imager la recherche de cette signification-direction, Tristan aime employer l’image de la Carte au Trésor. Dans la mer de la vie socio-économique des organisations, on doit chaque jour s’orienter individuellement et collectivement en fonction d’axes stratégiques. Ils impulsent le sens organisationnel. Et cela malgré la météo changeante et les incertitudes. Comment trouver, formaliser, et tout particulièrement garder le sens qu’on s’est collectivement fixé ? Sur la carte sont inscrits les différents facteurs à prendre en compte pour s’orienter :

  • LE CAP représente le trésor qu’on veut aller chercher. Une fois défini, il donne l’horizon de direction à atteindre vers lequel on aspire et évolue dans notre quotidien professionnel.
  • L’ITINÉRAIRE symbolise le chemin qu’on pré-voit et se trace pour parvenir à bon port. Et LES OBSTACLES toutes les résistances au changement — en plus de la météo —susceptibles de surgir en cours de route.
  • LES PHARES et LA BOUSSOLE représentent les valeurs qui nous guident. Ils nous permettent de garder le cap dans des conditions météorologiques qui peuvent être parfois difficiles.
  • L’ÉQUIPAGE ET LE BATEAU représentent les moyens humains — richesses humaines — et autres — enveloppes budgétaires, temps alloués, communication… — qui permettent de cheminer plus ou moins solidement et durablement vers le cap.
  • LE JOURNAL DE BORD permet d’identifier d’où on vient pour mieux comprendre qui on est. Et à partir de là, mieux identifier où on veut aller. C’est le récit de vie collective qui permet à l’organisation et à ses acteur-es de donner du sens à son histoire, à son passé.
Carte du sens Tristan Bitsch

Carte du sens – Tristan Bitsch

Le contexte fait que l’on est contraint à se replier sur soi. On est cahoté par les circonstances économiques, sociales, sanitaires et écologiques. Mais il est important de rêver et de créer des récits communs qui vont nous donner le désir de demain pour nous motiver !

A propos de Noetic Bees :

Noetic Bees accompagne des entreprises sur leurs enjeux de transformation organisationnelle et managériale grâce à l’ingénierie philosophique. L’agence Noetic Bees est spécialisée dans la philosophie appliquée en et pour l’entreprise. Elle amène des briques qui permettent de s’orienter dans la pensée à travers des outils concrets. Les clients et partenaires peuvent appréhender ces outils pour mieux conduire leur vie professionnelle.

A propos du parcours Pepp’s :

Le Pepp’s (Projet d’Épanouissement Professionnel et Personnel qui a du sens) est un parcours exploratoire en ligne encadré par des coachs expérimentés pour révéler votre potentiel et vous épanouir dans une organisation qui vous ressemble .