Combien d’entre nous vivent des vies qui ne sont pas les leurs ? Combien d’entre nous ont fait leurs choix de vie par conditionnement plus ou moins conscient ? Et quel est l’impact de ces conditionnements sur notre vie et sur nos relations avec les autres ? Pouvons-nous être un citoyen pacifié et pacifiant si nous ne sommes plus sur notre chemin de vie ? Thomas d’Ansembourg, psychothérapeute et formateur en Communication Non Violente (CNV) répond à ces questions dans une excellente conférence tirée de son livre « Cessez d’être gentil, soyez vrai ! ».
Le fil rouge commun à tous les individus
Thomas d’Ansembourg nous dessine ce fil rouge qui représente notre élan de vie, notre boussole, ce que nous avons envie de vivre. Selon lui, nous avons tous envie de vivre deux choses fondamentales.
Des relations vraies et profondes
Tout d’abord, nous aimerions tous avoir des relations vraies profondes et fécondes, fluides. Nous sommes fatigués de l’hypocrisie, des relations fausses avec des agendas cachés. Fatigués des relations qui ne débouchent sur rien sans valeur ajoutée.
Pourtant, ce n’est pas ce que nous vivons… Nos relations s’inscrivent souvent dans des rapports de pouvoir, de soumission et de domination. Nous dégainons plus aisément l’agression que l’empathie ! Je, me, moi, tu, te, toi… nous avons oublié le NOUS ! Le NOUS soutenant, le NOUS fécond. Dans toutes relations il y a 3 personnes : toi, moi et NOUS c’est-à-dire notre relation. C’est un être vivant ! Il y a du NOUS partout : avec nos collègues de travail, avec nos amis, avec notre famille… Dans un projet nous avons besoin de chérir le NOUS.
Un état de profond contentement intérieur
Ce fil rouge, ce que nous cherchons à vivre, c’est aussi un état de profond contentement intérieur de plus en plus stable, ancré en nous, transportable à travers les difficultés, et contagieux.
C’est cela qui nous épate et qui nous impressionne chez les êtres charismatiques ! Prenez par exemple Nelson Mandela. Il sort de prison et cherche à réconcilier son pays ! Et pas à se venger de son emprisonnement. Il n’est plus dans l’égo contracté mais dans l’être en expansion.
C’est parce que ces êtres ont développé une intériorité profonde et transformante qu’ils peuvent nourrir et conserver un état de paix à travers les difficultés, et qui se révèle contagieux.
Selon Thomas d’Ansembourg, l’enfant en nous a chevauché son élan de vie, en étant dans le moment présent, connecté, dans le NOUS, et dans la conscience.
Nous perdons le fil
Mais des parents et des éducateurs bienveillants et pleins de bonnes intentions nous détournent de notre élan de vie : « on ne fait pas les choses parce qu’elles nous procurent un profond contentement ! On fait les choses parce qu’il est l’heure, parce qu’il est temps… C’est par ici mais pas du tout par-là, on fait comme ceci mais pas du tout comme cela… Il faut étudier, étudier beaucoup, travailler, travailler beaucoup, s’engager, trouver un conjoint, faire des enfants, ne pas oublier de payer sa pension de retraite, et de téléphoner à bonne maman le soir de Noël ».
Ce petit être quitte son élan de vie, il se coule dans un moule, se conforme à la norme et finit par prendre ce qu’il vit pour l’exercice de sa liberté sans mesurer à quel point il est pris dans des « enfer-mements ».
Il est pris dans un système de pensée et de croyances, des automatismes qu’il ne remet pas en question parce qu’il n’a pas l’habitude de s’asseoir dans la chaise du discernement…
Il vit alors une vie ennuyeuse et lassante, comme s’il y avait de la musique mais pas d’artiste.
Nous compensons notre mal-être plutôt que de nourrir notre bien-être
Une tension de plus en plus claire apparaît entre notre élan de vie, ce que nous voudrions vivre, et ce que nous vivons vraiment. D’ailleurs, beaucoup d’adolescents hyper-sensibles le sentent très tôt ! Cette tension est trop dure à vivre et tous les mécanismes compensatoires s’y engouffrent.
Pour Thomas d’Ansembourg, nous compensons notre mal être plutôt que de nourrir notre bien-être. C’est facile à faire dans une société de consommation !
« Je ne suis pas heureux au travail, j’ai des tensions, je ne me remets pas en question, je n’aime pas mon patron, je n’aime plus ce que je fais, je rentre à la maison, une petite bière, ça me détend. Deux petites bières, ça me détend bien. Tout le pack de bières, je suis bien détendu… J’ai des angoisses existentielles, mes enfants, la crise, Trump, la couche d’ozone, un petit calmant je dors mieux. » Le travail acharné peut aussi être une façon de compenser et de ne pas se remettre en question.
Nous avons pris l’habitude de compenser vite fait plutôt que s’asseoir avec nous-même pour comprendre de quoi nous avons vraiment besoin.
De quoi je rêve, quel est mon élan de vie ? Où va ma boussole ? Pour le savoir il suffit parfois d’écouter son corps qui nous indique la direction au lieu d’écouter sa tête qui résiste et peut nous mener tout droit au burn-out.
Apprendre à devenir un citoyen pacifié pour être un citoyen pacifiant
Nous passons du temps à apprendre tout un tas de choses, pourtant nous n’apprenons pas à nous pacifier. Pourquoi quand il s’agit de conscience de soi nous attendons que ça nous tombe du ciel !?
Apprendre la paix
La paix n’est pas un « truc de bisounours », selon Thomas d’Ansembourg ça s’apprend, ça se travaille, c’est une hygiène. Et tout le monde en bénéficie !
On ne parle plus de développement personnel mais de développement social durable qui commence par moi.
Un citoyen pacifié se révèle être un citoyen pacifiant. Par son attitude d’ancrage, d’inspiration et de centration, quelque chose attire et stimule pour créer du NOUS. La gestion de soi et de ses besoins dans la conscience du NOUS est un enjeu fondamental pour éviter les conflits en évitant de faire payer aux autres ce qui nous rend triste ou en colère. De ce point de vue nous pourrions dire qu’il s’agit d’un enjeu de santé voire de sécurité publique au-delà du développement personnel.
Agir sur soi
Pour sortir de nos enfer-mements, nous pouvons agir sur la seule personne sur laquelle nous avons du pouvoir : nous-même. Si je change ma façon d’être avec l’autre je change l’écologie relationnelle. Je revisite mes croyances et mes automatismes et je m’aligne petit à petit sur mon élan de vie. Comme beaucoup d’autres choses ça s’apprend et ça prend du temps !
Penser différemment pour faire différemment
Si nous faisons toujours la même chose nous obtiendrons toujours la même chose. Oui, il faut faire autrement dans notre relation à nous-même, dans notre relation aux autres, dans notre relation à la Terre, aux ressources, à la nature …
Remise en question et discernement
Mais comment pouvons-nous FAIRE autrement si nous pensons pareil !? Ce n’est pas possible ! Si nous pensons pareil nous ferons pareil. Si nous voulons changer, nous devons changer notre système de pensée, s’asseoir avec nous-même, nous remettre en question et faire preuve de discernement.
Or, il est impossible de résoudre un problème que nous avons devant nous en restant au même niveau de conscience. Pour le résoudre nous devons élever notre niveau de conscience et passer un pallier supérieur. Ce n’est pas toujours évident ni confortable, c’est un processus fait de deuil et d’éclosion.
L’enclenchement du piège
Pour commencer, nous pouvons essayer de comprendre l’enclenchement du piège en nous remettant dans notre peau d’enfant. Souvenez-vous : « Tu serais gentil de ranger ta chambre », « Tu serais gentil de nous ramener des beaux points de l’école », « Tu serais gentil d’aider à mettre la table ».
Ça c’est ce que nous avons entendu. Mais ce que nous avons encodé inconsciemment dans notre disque dur et qui va nous téléguider pendant notre vie c’est : « JE T’AIME SI tu ranges ta chambre ».
Nous avons intériorisé le fait que l’amour est conditionnel et qu’il risque d’être retiré si nous ne sommes pas conformes à la norme.
« On m’aime si je suis comme il faut, si je m’habille comme il faut, si je délivre le bon résultat, si je suis sage, si je suis au bon endroit au bon moment ». Cette croyance intègre notre système de référence et crée un filtre pour vivre la relation à soi, la relation à l’autre, et à la vie.