Dans notre article « Pourquoi nous perdons le fil de nos vies » tiré d’une conférence de Thomas d’Ansembourg, psychothérapeute et formateur en Communication Non Violente (CNV), nous expliquons le processus qui nous fait quitter notre élan de vie : nous nous coulons dans un moule, nous nous conformons à la norme, tout simplement pour être aimé. Car nous avons très jeune intégré inconsciemment le fait que l’amour est conditionnel et qu’obéir était la garantie de ne pas le perdre. Ce conditionnement nous fait souvent tomber dans des pièges qui nous maintiennent dans nos « enfer-mements » loin de notre élan de vie.
Piège n°1 : le piège du FAIRE
« Reste pas là à rien faire », « Fais quelque chose ». N’avez-vous jamais entendu cela étant jeune ? Ne vous êtes-vous jamais exécuté simplement pour éviter le conflit ? Car « si je fais vous m’aimez. Si je fais bien vous m’aimez bien. Si je fais bien et beaucoup vous m’aimez bien et beaucoup » nous raconte Thomas d’Ansembourg.
Nous courrons tous
Et nous voilà parti pour la course ! Cette course du FAIRE qui n’est en réalité qu’une quête d’amour. Car nous craignons de ne pas être reconnu, de ne pas être aimé, de ne pas avoir notre place.
Et si notre petit être intérieur venait à se demander : « pourquoi je fais tout ça ? Qui suis-je ? Où cours-je ? À quoi sers-je ? » La plupart du temps, nous faisons de plus en plus ! Nous pédalons de plus en plus vite pour ne pas voir que nous avons quitté notre élan de vie.
Nous courrons jusqu’à l’épuisement
Je cours pour avoir toujours plus. Tout le monde court tout le temps. Nous nous désespérons de ne jamais trouver ce dont nous avons besoin puisque ce dont nous avons besoin se trouve à l’intérieur. Cette course nous épuise individuellement : en France, la moitié des cadres interrogés par Cadremploi en 2019 affirment avoir déjà souffert d’un burn-out (1). Et 16 millions des 11-75 ans ont pris des psychotropes en 2012 (2).
Cette course épuise aussi notre planète, qui n’en peut plus de tenter de fournir par ses ressources par nature limitées, des ingrédients destinés à fabriquer des gadgets eux-mêmes destinés à nous détourner de notre mal-être .
Du FAIRE à l’être
Quitter l’âge du FAIRE pour rentrer dans la conscience de l’être est un enjeu citoyen qui nécessite du travail ! Du travail de réalignement, de pacification et d’ajustement de nos rythmes pour qu’ils soient plus doux et plus justes.
Il ne s’agit évidemment pas de ne plus rien faire 😆. Mais plutôt que chaque chose que l’on fasse soit habitée d’être. Il s’agit d’habiter notre façon de faire en ayant conscience du besoin que cela nourrit chez nous.
Piège n°2 : l’estime de soi
Puiser notre estime dans le regard des autres nous rend fragile. Cela nous rend dépendant et vulnérable. Nous pensons avoir la maîtrise de notre vie mais nous sommes sous la coupe du regard de l’autre.
Thomas d’Ansembourg explique qu’il a lui-même fait le constat désagréable de son manque d’estime de soi. Il a pris conscience qu’il passait 50% de son temps à essayer de plaire aux uns. Et 50% de son temps à essayer de ne pas déplaire aux autres. Combien de temps reste-t-il pour être soi-même ? Pour goûter son élan de vie, faire les choses parce qu’elles sont justes (au sens de la justesse) ? Zéro 😁
Nous évitons ainsi les désaccords et les conflits. Nous nous sur-adaptons aux attentes (réelles ou supposées) des autres pour remplir notre estime de nous. Car nous sommes pris dans une vieille croyance que désaccord signifie désamour.
Malgré toutes les bonnes intentions du monde, nos parents n’ont souvent pas pris la précaution d’assurer notre sécurité affective avant d’entrer en conflit. Nous aurions aimé entendre ce discernement « je t’aime inconditionnellement de tout mon cœur ET je suis en colère par rapport à ce que tu as fait je veux que tu l’entendes ». Au lieu de cela nous avons souvent entendu « Je ne t’aime pas quand tu es comme ça, hors de ma vue, tu reviendras quand tu correspondras à mes attentes ».
Piège n°3 : l’accueil de la différence
Selon Thomas d’Ansembourg, nous avons des difficultés à accueillir la différence et à ne pas la voir comme menaçante car notre propre différence a été mal accueillie.
Avec toutes les bonnes intentions du monde, les instituteurs tentent de nous faire rentrer dans la petite boite de l’enfant gentil : « sois plus comme ceci », « sois moins comme cela », « on peint la vache en brun et pas en bleu ».
Il se peut donc que nous ayons vécu notre propre différence comme menaçante. Ceci nous amène à éteindre cette différence pour nous intégrer et nous sentir accepté. Pour recevoir l’intégration, nous faisons ce que les autres attendent de nous.
La conséquence de ce mauvais accueil est que nous le reproduisons sur les autres. Nous ne laissons pas les autres exprimer leur différence et nous attendons d’eux qu’ils rentrent dans l’ordre.
Pour nous ouvrir à l’accueil de la différence des autres nous devons d’abord nous ouvrir à l’accueil de notre propre différence.
Nous devons faire droit à l’être que nous sommes, derrière ce personnage que notre éducation nous a construit et qui est bien normal pour nous intégrer. Derrière ce masque il y a l’être profond, l’être unique, que nous devons faire éclore pour sortir de nos enfer-mements.
Piège n°4 : la difficulté à dire non et à temps
Et si nous arrêtions de rajouter à la confusion du monde et à l’hypocrisie en racontant des mensonges comme des enfants pour se sortir de situations inconfortables ? Qui n’a jamais menti ou eu envie de mentir sur les raisons de refuser une invitation par peur de froisser son interlocuteur ?
Nous pourrions décider de faire partie de la solution plutôt que d’entretenir le problème. Nous pourrions dire les choses comme elles sont là où nous sommes. Dire « non » en toute honnêteté c’est aussi apprendre à clarifier ce à quoi nous disons « oui ». Par exemple, dire non à un repas entre amis c’est peut-être dire oui à un moment de calme en famille.
Parfois, nous dirons tout simplement « oui » par peur de dire « non », nous remplissons alors notre cocotte qui finit par exploser ! Chacun est responsable de sa cocotte, c’est de l’écologie relationnelle, de l’hygiène de conscience.
La cocotte finira par exploser dans la colère ou imploser dans le burn-out ou la dépression. « Si je réprime ce qu’il serait juste que j’exprime, tôt ou tard ça s’imprime et puis je déprime. »
Apprendre à écouter « non » et à quoi l’autre dit « non », écouter ce qui est vivant chez l’autre sans démissionner de ce qu’il y a de vivant chez nous, c’est ça créer du « NOUS ».
Piège n°5 : la gestion des émotions
Enfin ce dernier et 5ème piège concerne l’intelligence émotionnelle et le besoin d’apprendre à gérer nos émotions.
Selon Thomas d’Ansembourg, nous autres êtres humains sommes des êtres infinis coincés dans des corps finis. C’est trop petit ! Nous sommes coincés dans l’espace temps. Coincés avec nos désirs infinis de faire ce que nous voulons et d’être partout à la fois.
Nous sentons un goût pour l’harmonie infinie, la beauté infinie, la tendresse, l’amour, le partage, l’inspiration infinie. Et nous avons du mal à accepter le contingentement.
Aussi, nous devons trouver une façon personnelle et vivante de nourrir cette partie infinie de notre être. Nous pouvons la nourrir de multiples façon : la prière, la méditation, la contemplation (qui peuvent se vivre de manière religieuse ou laïque), la pratique d’un art, du chant, de la danse…
Si nous ne nourrissons pas cette fibre qui a besoin de se sentir appartenir à un projet bien plus vaste que notre petit « Je, me, moi », nous risquons de nous étouffer petit à petit avec le contingentement du temps, des choses à faire, de la matérialité.
Cela génère de la frustration, petit à petit de l’amertume, voir du cynisme, et tôt ou tard de la violence. Nous projetons toutes ces émotions négatives sur l’autre : « Tu es celui qui m’empêche de vivre ».
Pour rejoindre l’autre, il nous faudra d’abord comprendre et écouter nos propres émotions. Nous devons nous outiller pour parler de nous et exprimer ce qui se passe en nous. Ce n’est pas du nombrilisme mais de l’hygiène de conscience !
« Dans ce monde qui se dessèche, si nous ne voulons pas mourir de soif, il nous faudra à nous devenir source. » Christiane Singer